Sur proposition conjointe des autorités espagnoles et françaises, l’inscription au patrimoine mondial de l’humanité du domaine montagnard pyrénéen Mont-Perdu, cirques et canyons, a été prononcée par le comité compétent de l’Unesco réuni à Naples le 6 décembre 1997. À cette date, cinq cent cinquante-deux monuments et sites étaient répertoriés au patrimoine mondial. Seuls dix-huit sont classés, comme le mont Perdu, au double titre de la richesse naturelle et culturelle. C’est un des rares sites transfrontaliers inscrits sur cette liste grâce aux démarches conjointes des deux états intéressés.
Situé au centre de la chaîne des Pyrénées, le massif du Mont-Perdu culmine à 3 365 m en Espagne et comprend en France le cirque de Gavarnie. La richesse naturelle liée à cette situation en altitude repose sur l’existence de dispositifs géologiques remarquables, induisant des formes paysagères spectaculaires en milieu calcaire : des canyons fortement incisés, des cirques grandioses constituent des habitats privilégiés pour de nombreuses espèces endémiques et protégées, réunissant l’une des flores de montagne les plus riches d’Europe. L’inscription entérine le caractère exceptionnel d’un site consacré, par ailleurs, de part et d’autre de la frontière, par l’existence de deux parcs naturels nationaux. Ces parcs contigüs, le Parque Nacional de Ordesa y Monte Percholo et le Parc national des Pyrénées entretiennent des liens de coopération. Une collaboration scientifique internationale franco-espagnole existe de longue date entre l’Instituto Pirenaico de Ecologia à Jaca (Huesca) et les universités de Bordeaux, Pau, Toulouse, ainsi qu’avec le service de la Carte de la végétation au CNRS.
Au delà de sa beauté panoramique, le massif du Mont-Perdu-Gavarnie est, depuis le Moyen-Age, le cadre d’une organisation économique et sociale de montagne spécifique et rare : de part et d’autre de la chaîne sommitale, les habitants ont su nouer, de vallée à vallée, des échanges, des accords pastoraux et commerciaux, des alliances, des liens culturels, basés sur la paix et la solidarité. Scellés aux XVIe et XVIIe siècles par des actes dénommés “lies et passeries” constamment renouvelés, ils ont assuré la liberté du pastoralisme et des échanges même en temps de guerre entre les états. Les cols ne constituaient alors pour les transports que des obstacles naturels et non des frontières. De tels accords, résultat des nécessités vitales, se sont par la suite adaptés sous forme latente et persistent aujourd’hui dans les rapports qu’entretiennent les vallées symétriques de Barèges et de Broto.
Ces liens se sont formalisés dans l’action de l’association transfrontalière “Mont Perdu-patrimoine mondial” (MPPM) réunie autour des édiles des vallées concernées. Elle a imaginé et diligenté la proposition d’inscription et les parcs nationaux sont intervenus en soutien des démarches en direction des instances nationales des deux états.
L’inscription au patrimoine mondial de l’Unesco met en valeur le caractère exceptionnel du site sans introduire de nouvelles contraintes pour les communes. Les parcs nationaux et association poursuivent dans un cadre institutionnel le développement des liens intervalléens traditionnels tout en les confrontant à la modernité. Chaque année, l’association tient des assises à Gavarnie, à Torla ou dans un chef lieu proche sur une thèmatique précise : itinéraires transfrontaliers, vivre avec le tourisme, accueillir la foule, franchir les montagnes, la culture au village, les architectures de montagne. Ces travaux sont entrepris en corrélation avec les expériences similaires menées notamment dans les Alpes. Ainsi, ce massif entre-t-il aujourd’hui dans la légende.
Michel CLIN
Ingénieur ENSG